Français: thèmes,méthodes X.Baux

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rire et subversion

Rire et subversion.

 

Rire semble naturel, pourtant le rire et ceux qui le déclenchent, écrivains, dessinateurs, comiques en tous genres, ont souvent été l’objet de critiques, de méfiance voire de censure et d’interdits.

Le rire serait-il donc subversif ? Quatre textes contemporains dont un extrait du célèbre roman, le nom de la Rose  s’interrogent sur cette question. Ce corpus nous conduira à expliquer que, si le rire peut se mettre au service de l’ordre et des normes, il est le plus souvent subversif ou du moins, considéré comme tel.

 

Quand il est toléré et contrôlé par l’autorité comme il l’était dans les fêtes carnavalesques du moyen âge évoquées par Jorge de Burgos, personnage conservateur du nom de la rose (2), le rire peut servir l’ordre ou du moins ne pas le troubler. Tolérer le rire pour mieux l’interdire en le réduisant aux moments de fête, c’est à peu près  la position de Jorge. Aujourd’hui, le rire est également toléré, contrôlé, organisé par l’entreprise dans un souci d’efficacité pour faire reculer le stress des salariés, ce n’est pas un rire libérateur mais un rire en quelque sorte médical explique E.Taverna dans un passage de Du rire (1), le rire est alors l’allié de celui qui veut faire carrière.

Le rire moqueur, quant à lui, peut aussi correspondre à une libération : on se moque de celui qui n’est pas dans la norme, soulagé de ne pas être celui là… le soulagement et l’économie d’énergie psychique auquel il correspond est l’un des mécanismes du rire, c’est ce qu’explique, dans Psychocritique du genre comique (3) C.Mauron. Le rire est parfois répressif disait Bergson cité par R.Tomas dans le plaisir de rire , il peut se mettre au service de la société contre l’individu (4), lequel est sanctionné par le rieur de son inadaptation ou de sa maladresse.

Le rieur est d’ailleurs souvent corrigé plutôt que correcteur, le comique le démasque dans ses lâchetés, permet un examen de ses préjugés et de ses erreurs (4)…Plus largement le rire permet, comme le disait Kant, se supporter les difficultés de la vie voire l’absurdité de l’existence. A ce titre, même s’il est en partie rebelle, le rire sert la société.

 

Toutefois, le rire, s’il se trouve valorisé, devient trouble à l’ordre parce qu’il fait alors reculer la peur. Cela aurait été le cas si le livre d’Aristote sur le rire n’avait pas été escamoté par les conservateurs de l’église. Or, la peur, la peur de la mort par exemple explique Jorge de Burgos dans les documents un et deux, est condition de l’ordre social. Les conservateurs de l’Eglise avaient bien senti que le rire peut permettre d’échapper aux liens de la raisons et se moquer de tout (1). En tout cas le rire est une compensation aux angoisses et aux frustrations imposées par la culture et la vie sociale (1). Le rire est une façon d’échapper aux liens de la raisons (1), de se moquer des conventions et des vanités sociales –ce qu’ont fait aussi bien Daumier que Molière (1) ou, avant eux, les cyniques comme Diogène (4). Certes chez les penseurs grecs évoqués dans le document 4, le rire est au service d’une action didactique, d’une morale mais cet apprentissage –celui des hédonistes ou des cyniques par exemple-  n’est pas une soumission à  l’ordre social, mais une manière de construire sa propre philosophie, souvent hors des conventions.

Celui qui rit peut d’ailleurs volontairement régresser, celui qui maîtrise l’art du comique s’affranchit de l’esclavage des instincts comme de celui des conventions sociales affirme C.Mauron. Parfois libération, le rire peut être une remise en cause générale et exprimer une lucidité qui ne croit plus en rien, se moque de tout sans avoir de valeur de remplacement, il exprime alors une révolte de l’individu contre la bêtise de la société, et peut  devenir réellement antisocial (4). Les pouvoirs durs ont bien compris que rire n’est pas toujours un jeu innocent, que le rire pouvait railler les frontières, les mœurs, la morale, le bien et le mal (1). Les conservateurs du nom de la rose qui empoisonnent le livre d’Aristote sur le rire (1 et 2) et bien plus tard les nazis qui le bannissent  de l’Allemagne (4), illustrent cette méfiance.

 

On peut, au final conclure que le rire est parfois récupéré par l’ordre social mais qu’il est le plus souvent expression d’un soulagement, d’une libération, d’une liberté.

 

 

IFC. X.Baux.  



20/02/2011
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