Français: thèmes,méthodes X.Baux

1.      "Le rire est le propre de l'homme" cette formule extraite de l'œuvre de Rabelais (16ème siècle) est souvent utilisée sans objectif précis...voire à tort et à travers. Pourtant, même hors contexte elle est intéressante. En effet si le rire au sens physique n’est peut-être pas le propre de l’homme –certains animaux semblent rire ou marquer des réactions physiques plus ou moins comparables – l’aptitude qu’il suppose, celle de la distance, du recul, du décalage nécessite une forme de conscience qui est la caractéristique de l’humain. Rire où faire rire, c’est à la fois prendre de la distance par rapport au vécu, opérer un retournement sur soi-même et sur les situations que l’homme dont semble seul capable. Cette souplesse, cette qualité d’improvisation, cette possibilité d’échange et d’utilisation de l’inattendu est déjà un des caractères du langage humain. Le « langage » animal connu est un système de code simple lié à des situations, il n’offre pas la possibilité de débattre ou d’ironiser. Le rire, en fait l’humour qui est donc sur ce plan, différent du jeu, est donc une des différences  homme animal.

2.      « L’humour est la politesse du désespoir ». Dans une petite histoire citée par Freud, un condamné évoquait avant son exécution « une journée qui commençait mal », Tristan Bernard, écrivain juif arrêté par les Allemands disait à sa femme : « nous vivions dans la crainte, nous vivrons dans l’espoir », voilà des exemples directs de cette « politesse du désespoir » qu’évoque la célèbre formule de l’écrivain B.Vian (20éme/ auteur de l’écume des jours). L’humour est ici le contraire du pathos, celui qui désespéré ironise ou rit de lui-même cherche à faire de son malheur ou de son mal de vivre une source d’amusement pour autrui et de détachement pour soi-même. Cette forme de pudeur, de protection de l’autre vis-à-vis de son propre malheur, peut-être grinçante mais elle est toujours l’indice d’une finesse d’esprit et d’un respect d’autrui.

3.      « Le rire est satanique donc il est profondément humain » disait C.Baudelaire (19^ème), on retrouve dans cette formule, partiellement provocatrice le thème du rire humain auquel s’ajoute ici les condamnations du rire par les grandes religions. Le rire permet d’échapper à la peur et sans peur, il n’y a plus d’ordre possible disait l’un des ennemis de Guillaume le héros du nom de la rose (roman d’U.Eco et film de J.J Anaud) Les grandes religions ne rient pas et n’incitent que rarement à rire, ne serait-ce que parce que le rire détourne de la foi et de la soumission à Dieu…d’où le rire « satanique » de Baudelaire qui ne condamne pas le rire mais lui accole l’épithte souvent utilisée par les religieux.

4.      « L’homme souffre si profondément qu’il a du inventer le rire », cette formule connue de F.Nietzsche (philosophe allemand 19^ème) renvoie au rire comme remède au tragique de la condition humaine. Ce tragique contre lequel le rire est sinon un rempart, du moins un soulagement est à la fois celui des guerres, de la faim, de la souffrance sous toutes ses formes amis aussi celui de la destinée humaine, vivre en sachant qu’on va mourir…Ainsi U.Eco disait-il de son coté : « Nous savons que nous allons vers la mort et face à cette occurrence inéluctable, nous n’avons qu’un instrument, le rire »…

XB. IFC