Français: thèmes,méthodes X.Baux

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les français et le mythe du "perdant magnifique"

Le "perdant magnifique" et le "vainqueur inattendu" des mythes français ancrés dans la culture... 

 

 

Le sport français semble avoir aimé les perdants magnifiques depuis fort longtemps : G.Carpentier battu dans le championnat du monde poids lourd de boxe contre le géant américain  Dempsey, Laurent Fignon, champion insolent qui devint plus populaire pour sa défaite injuste de 89 dans la dernière étape du tour de France que pour ses brillantes victoires de 83 et 84, l’équipe de France de football, perdant injustement la demie finale de la coupe du monde contre « l’ennemi » Allemand à Séville en 82, l’équipe de Saint-Etienne dont la France fut amoureuse dans les années 70 et qui descendit les Elysées après…une défaite en finale de la coupe d’Europe, jusqu’au XV de France saluant les supporteurs à la suite de sa défaite en finale de la coupe du monde de rugby 2011 contre les célèbres All Blacks etc on pourrait multiplier les exemples de ces perdants pleins de panache, souvent victimes des circonstances particulières que les français ont honoré au-delà de toute sagesse, et souvent à la surprise du monde entier, alors même qu’ils ont parfois détesté les vainqueurs y compris français.

Les dénominateurs communs de ces admirations sont, en général, l’injustice qui grandit le vaincu dans sa bravoure, le panache ou le courage, vainqueur moral et perdant objectif –puisqu’on a la conviction d’avoir été plus beau dans la défaite que l’adversaire dans la victoire- le sentiment du tragique.

Cette mythologie, cette « représentation collective », se complète d’un autre mythe, dont les amateurs français aiment toujours se délecter : celui du « vainqueur inattendu », voire « imprévisible ». Le vainqueur sorti du néant, seul contre tous, promis aux pires déroutes, se sortant d’affaire non par la discipline où l’organisation mais par la solidarité, le courage, le panache, la fantaisie, la surprise. Vainqueur d’autant plus mythifié qu’il affronte un adversaire traditionnel aux appétits duquel il semble promis. L’âme française aime ce type de légende qu’elle entretient à satiété, à travers ses récits, ses journaux, ses livres de sports. Elle se compose de tout un bric à brac d’images voire de stéréotypes, de légendes, d’expressions, dans laquelle les français aiment se reconnaître : le français « jamais plus fort que lorsqu’il est donné battu », le spécialiste du « french flair », de la « fantaisie », du « panache » « le phénix qui renait de ses cendres » etc  Ce mythe du français imprévisible, est, souvent (et ce n’est pas un hasard) opposé, par les français eux-mêmes, aux anglais supposés froids et calculateurs, aux allemands supposés brutaux et lourds etc..

Cette mythologie persistante, qui pousse les français à acclamer triomphalement des perdants ne doit rien au hasard : elle est une sorte de constante de la littérature et de la mythologie identitaire nationale. Ainsi, le premier grand mythe littéraire de notre histoire est celui de la chanson de Roland qui raconte le combat héroïque et finalement perdant de l’arrière garde de Charlemagne injustement trahie. Plus proche de nous Gavroche moqueur, courageux et brillant tombant sous la mitraille, ou encore, le très français et très aimé personnage de Rostand, Cyrano de Bergerac : insolent, incontrôlable, brillant, courageux, solidaire mais perdant sur tous les tableaux : amour, guerre, gloire. Perdant… mais comme il le dit lui-même toujours « fier de son panache ». On pourrait y ajouter les vainqueurs inattendus, revenus de l’enfer que sont Monte-Christo, Jean Valjean à la fois injustement traités par le sort et assez forts pour prendre leur revanche. Même la bande dessinée, à travers la représentation de nos ancêtres les gaulois dans Astérix, magnifie l’illogique résistance du « petit village » (alors que le reste de la Gaule est soumis) face à la puissante Rome dans un mélange d’indiscipline, d’improvisation maline et de solidarité amicale.

L’histoire elle-même, telle qu’elle a été enseignée, construite, par l’école publique du début du siècle qui y voyait un outil de cohésion nationale, reprend ces thématiques. Elle y trouve une réserve d’images susceptibles de créer l’admiration du jeune citoyen. Contribuent à cette auto représentation de multiples personnages ou épisodes.  Jeanne d’Arc boutant les anglais hors de France et finalement injustement brulée est une incarnation double : à la fois vainqueur inattendu  et perdant trahi. On retrouve des perdants magnifiques ou supposés tels dans une partie de l’imagerie historique des écoles et des livres pour enfants de la bataille de Crécy (il semble pourtant qu’en bonne rigueur historique, il s’agisse d’une défaite due à l’indiscipline)ou les chevaliers chargent les archers anglais, aux Saint Cyriens de la guerre de 70, panache au vent et pantalons rouges sous la mitraille…et bien sûr des vainqueurs inattendus, héros opposant leur bravoure et leurs valeurs aux armes et aux moyens supérieurs de l’enemi . Les soldats de l’an deux, dans le probablement très mythifié épisode de Valmy, opposant leurs guenilles et leur courage républicain à l’Europe royaliste en sont les éternels représentants dans la mémoire collective et/ou les images d’Epinal. Ils seront d’ailleurs convoqués régulièrement dans les discours de nos hommes politiques (voir une célèbre passe d’armes entre Mitterrand et Malraux sur l’héritage des soldats de l’an 2) car ils sont le miroir de la France qui surgit où on ne l’attend pas, qui stupéfie l’Europe (Goethe le grand écrivain Allemand est béat d’admiration devant cette France du courage) qui gagne contre toute attente et qui incarne les principes nobles contre les desseins cyniques.

Ces clichés que le sport et la culture populaire de J.Verne à Astérix ont intégrés, représentent, à la fois l’honneur de notre culture et toute sa suffisance. En effet derrière la mythologie  du panache, des défaites injustes et des victoires surprises que le monde admire, il y a une part de vérité, celle d’une France creuset d’idées et de principes, qui invente, celle d’une forme d’indiscipline créatrice matrice, à la fois, des droits de l’homme et du french flair. Toutefois, il y a aussi l’idée très prétentieuse qu’il suffit d’être français pour être brillant, que notre indiscipline est forcement sympathique et que l’invention est toujours française. Au point même, que nous laisserions plus de trace historique en perdant que les autres en gagnant. Surtout s’ils viennent de la perfide et cynique Albion ou de la brutale et barbare Germanie.



03/11/2011
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